Le totem qui symbolise la croissance, dans la tribu indienne des sioux ressemble à un élan ou à un renne.
C’est un très vieux sorcier sioux qui me l’a expliqué.
Chaque morceau du totem, partant depuis le sol représente un âge avec une couleur. Le premier étage minuscule est incolore. Puis, à chaque passage de couleur, une épaisse ligne noire intervient. Plus on monte en étage, plus le totem s’élargit et se colore pour terminer sur une splendide et lumineuse tête d’élan.
Il s’appelle Kali, m’expliqua le sorcier. C’est le nom indien pour élan. C’est le nom indien pour grandir aussi, ainsi que pour séduction et beauté. Puis il me raconta l’histoire de Calinou, le bébé élan.
Calinou était né dans un grand troupeau d’élans en même temps que trois autres portées. Il était le plus petit des nouveaux bébés élans mais par contre celui qui possédait le plus grand nombre de taches sur son pelage et les taches les mieux dessinées. Malgré cela, Calinou regardait ses copains et enviait leur taille.
"Je donnerais bien trois ou quatre de mes taches contre trois ou quatre centimètres". Pourtant tout le troupeau chouchoutait Calinou spécialement pour ses taches et sa petite taille.
Un être affolait par-dessus tout Calinou. C’était Ata, le vieux chef du village qui n’arrivait plus à se déplacer tellement il devait être vieux et tellement ses gros bois sur la tête devaient peser. Ata était une légende vivante. Il n’avait jamais eu peur dans sa vie et réglait tous les problèmes. Le troupeau grandissait et prospérait grâce à lui.
Un matin Calinou se regardait dans les eaux du lac et pleurait sur ses taches. Une de ses larmes troubla l’eau et quand elle s’éclaircit, il vit apparaître l’image d’Ata derrière lui. Celui-ci, dans un espèce de grognement lui dit : "J’aime tes taches". Calinou était fier. En effet, Ata ne parlait jamais aux petits élans. Dès lors, Calinou adora ses taches et tout le village avec lui.
Les élans perdent leurs taches à deux ans, en même temps que commencent à pousser leurs magnifiques bois sur la tête. On raconte chez les élans que le changement est difficile. On dit que certains ne supportent pas bien les bois, qu’ils sont lourds à porter. Il y a même certains élans qui se mettent à brouter de plus en plus et grossissent pour être surs d’être assez forts pour supporter leurs bois. Ata se moque continuellement d’eux.
Lorsque Calinou perdit sa première tache, il passa les nuits les plus horribles de sa vie. Il se voyait avec un pelage tout fripé, des taches qui s’enfonçaient sur la tête et des bois qui poussaient dans le dos. Et puis tout le monde l’aimait avec ses taches, on allait le détester avec ses bois. Il aurait tant aimé en parler avec Ata mais il en avait trop honte. Des bois sur son dos, Ata aurait ri.
Canilou perdit sa dernière tache en même temps que la pointe de ses bois transperça son crâne. Il n’osait plus baisser la tête de peur qu’on le remarque, ça devenait invivable tant et si bien qu’un jour, il finit par s’approcher d’Ata. Mais Ata savait et attendait Calinou. Il sourit à travers son énorme museau sans aucune dent et il lança :"J’aime encore mieux tes bois que tes taches". Calinou sauta dans les pattes d’Ata et lui colla un énorme bisou malgré l’haleine fétide. Alors Ata lui susurra :
- Tu vois bien qu’ils poussent au bon endroit et pas dans ton dos.
Calinou était sidéré...
Le vieux sorcier sioux me parla encore longtemps et m’expliqua qu’à la mort d’Ata on désigna le plus valeureux des élans pour le remplacer. Celui qui n’avait jamais dû avoir peur et on choisit Calinou. Il fut le plus aimé des chefs. Sa légende dépassa de beaucoup celle d’Ata et on en fit même un totem qu’on appela Kali.
A.Metral